Alors que de nombreux observateurs du marché automobile en Algérie n’avaient pas hésité à remettre en cause le projet de retour aux importations des véhicules d’occasion, dès son annonce par le ministre du Commerce en mai dernier, doutant même fortement que cette initiative «calme-hirak» soit mise en application, voilà que l’avant-projet de loi de finances 2020 est venu conforter les propos de M. Saïd Djellab et inscrire le retour, en Algérie, de l’importation de véhicules de moins de 3 ans, dès le mois de janvier prochain. Elle fait partie des mesures phares à mettre au compte de la politique socioéconomique de l’Etat.
Ce retour, «projeté par le gouvernement», permettrait de «faire pression» sur le marché des véhicules assemblés localement, avait estimé Djellab, en mai, une période marquée, souvenons-nous, par la décision prise par les pouvoirs publics de réduire à 2 milliards de dollars, pour 2019, la facture des importations des kits CKD-SKD destinés à l’assemblage automobile.
« L’importation des véhicules d’occasion constituera un facteur exogène favorisant la baisse des prix, et donnera au citoyen la chance d’acquérir un véhicule, en fonction de ses moyens », avait ajouté M. Djellab, soulignant l’importance « d’examiner tous les aspects relatifs à ce dossier afin de ne pas altérer le pouvoir d’achat des citoyens et créer un marché automobile équilibré en Algérie». Ainsi, et à moins d’un rejet par les parlementaires, les Algériens seront très bientôt autorisés à aller acheter leur véhicule, ni neuf ni vieux, outre-mer. Mais à quel prix ? Sans doute pas celui auquel veut faire croire le premier responsable du secteur et qu’il prétend d’un niveau concurrentiel capable de contraindre les assembleurs locaux, ou ce qu’il en reste, à réviser à la baisse leur grille des prix. Comprendre que, même s’ils se sont avérés excessifs pour beaucoup d’Algériens, dont ceux appartenant à la classe moyenne, les prix du «made in bladi» restent à l’abri d’une quelconque concurrence qui viendrait du véhicule de moins de 3 ans importé. Autrement, l’achat de ce type de véhicule dans un pays européen coûterait plus cher que le véhicule neuf assemblé en Algérie. Dans le cas de la France, marché privilégiée par les Algériens, le prix du véhicule d’occasion reste élevé, sachant que la courbe de chute de son prix est de tout juste 7 à 8% par an.
Au coût du véhicule, il faudra ajouter les frais nécessaires pour réaliser l’opération d’importation. En effet, entre les redevances à consentir par l’acquéreur pour l’assurance, à payer sur place en devises, le billet d’avion, les frais de séjour, du transport du véhicule, mais aussi les taxes douanières, la note risque d’être salée.
Mais, si tous ces problèmes peuvent trouver des candidats potentiels qui accepteraient de les supporter, de sorte à acquérir un modèle à leur convenance mais actuellement indisponible sur le marché algérien, l’autorisation d’importation des véhicules d’occasion risque de buter sur les normes de pollution appliquées en Europe. Nous avons nommé les normes Euro 6, en vigueur depuis déjà des années. Par conséquent, en 2020, lorsqu’un Algérien décide d’y aller acheter un véhicule de 3 ans ou moins, il n’aura d’autres choix en matière de motorisation que l’Euro 6. Or cette norme est incompatible avec la qualité des carburants commercialisés dans notre pays.
Trop de contraintes donc pour ceux qui seraient tentés d’importer un véhicule de moins de 3 ans, une fois la loi entré en vigueur. C’est à se demander si, après avoir pénalisé le client algérien en déstructurant le marché du neuf puis en « inventant » une industrie automobile sans aucune base industrielle, les pouvoirs publics ne seraient pas en train de se débarrasser d’un dossier qu’ils n’arrivent plus à gérer, et jeter la balle dans le camp du citoyen, en le chargeant carrément de se « débrouiller » pour acquérir un véhicule.
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