Interview réalisée par Lyès Ibalitène
2010 aura été la véritable première année pleine sur le registre des mesures prises par les pouvoirs publics dans le cadre des lois de finances complémentaires 2009 et 2010, avec toujours en filigrane, la suppression du crédit automobile. En ce début du mois de novembre, peut-on faire le bilan d’un exercice qui s’achèvera dans quelques semaines ?
2010 a été une année difficile au départ avec une chute extrêmement forte sur les quatre premiers mois. Par la suite, nous avons eu un second semestre plutôt meilleur, même s’il est encore prématuré de tirer un bilan définitif de cette partie de l’année. Plus concrètement, nous étions sur un rythme de moins 20% en début d’année, alors que les derniers chiffres que nous avons, c’est-à-dire ceux de septembre, montrent que nous sommes passés à -7,8%.
Ce qu’il faut retenir aussi de positif pour cette année 2010, c’est la bonne résistance du marché aux mesures que vous venez d’évoquer, notamment celle relative à la suppression du crédit. Quand, par exemple, vous arrêtez ce type de produit dans un marché de type européen, c’est rapidement la chute à deux chiffres qui se manifeste. Ici en Algérie, si on clôture l’année autour de moins 5 à 7%, cela voudra dire qu’il y a une vraie résistance, un vrai besoin automobile. Ce besoin important, tout comme le logement, est justement pris en charge par la solidarité familiale, sur fond d’union et de cotisation de ses membres.
Pour résumer mes propos, je dirais que 2010 est une années à deux périodes : une période noire et une période gris clair. Peut-être qu’on va vers le bleu, mais il est trop tôt pour le confirmer.
2010, c’est également l’année des 200 ans de Peugeot…
Oui, c’est l’année des 200 ans de Peugeot. Une année sans doute historique, avec notamment la nouvelle identité de la marque. C’est aussi l’année de la sortie du RCZ, un modèle que je considère comme une vraie réussite esthétique, et qui préfigure de ce que pourraient être les modèles Peugeot dans l’avenir, avec une tendance au profit du premium. Donc c’est également une année charnière pour la marque.
Je pense aussi que la nouvelle identité de la marque a été bien perçue par la clientèle. Il y a un vrai rajeunissement au niveau du style et au niveau des résultats. Sur ce dernier registre, le premier semestre 2010 a été le meilleur semestre dans l’histoire de Peugeot dans le monde. 2010 restera donc une année importante, une année charnière et une année réussie pour notre marque.
Vous venez d’évoquer le RCZ. Nous nous attendions à un lancement en trombe de ce modèle en Algérie, nous avons eu droit à une discrétion parfaite.
C’est vrai que dans le cas de la RCZ, nous n’avons pas fait de lancement en trombe, comme vous le dites. La raison est nous n’avons les volumes qu’il faut pour cela. C’est une voiture qui rencontre un grand succès en Europe, et donc, il est impossible de dégager des quantités suffisantes pour le marché algérien. Il faut savoir qu’initialement, la RCZ n’était pas prévue pour l’Algérie. Au niveau de la filiale, on s’est battu pour ramener cette voiture. On s’est battu aussi pour un moteur de 200 ch. On les a eu tout les deux et on est content. Sauf que pour les volumes, on n’a pas encore suffisamment de voitures pour faire un lancement en conséquence.
Où en est le réseau avec la nouvelle identité visuelle de la marque ?
Le réseau a très bien perçu la nouvelle identité de la marque, tout comme les clients d’ailleurs. Derrière, tout ce qui est identification des affaires a pris un peu de retard, mais à partir de l’année prochaine, vous verrez les premières affaires avec le nouveau Lion et toutes les autres nouveautés, à l’exemple de la typographie qui change pour devenir plus moderne. Donc, on a prévu sur 2011 et 2012 de mettre aux nouvelles normes l’ensemble de notre réseau.
Le récent Mondial de l’automobile, à Paris, aura été en bonne partie, le salon de la voiture hybride et électrique. D’où cette impression dégagée d’un fossé qui risque de se creuser dans les années à venir entre le marché européen, pour lequel les modèles exposés sont destinés, et des marchés comme l’Algérie où l’hybride et l’électrique peuvent encore attendre longtemps. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai qu’il y a un fossé pour certaines versions que vous avez citées chez les voitures hybrides diesel et les voitures hybrides essence. On n’est pas sur ce courant là en Algérie pour deux raisons principales : le coût de l’énergie et les normes environnementales. En Europe, ce qui permet d’amortir un peu le surcoût des véhicules électriques et hybrides, ce sont les avantages fiscaux qu’il y a derrières. Et ces avantages obéissent à une politique environnementale qui n’existe pas encore en Algérie. Il y a une politique en Europe pour dire que si tu roules à moins de 100 grs de CO2 ou moins de 90 grs de CO2, et bien voilà ce que tu gagnes en taxes. Il devient donc tout a fait logique que toute cette génération de voitures que vous avez pu voir à Paris ne puisse pas encore avoir sa place pour l’instant sur le marché algérien.
Mais attention, le fossée n’est pas toujours évident. Dans le cas de Peugeot par exemple, il y a pas mal de choses qu’on a pu ramener sur le marché algérien, comme toute cette génération des nouveaux moteurs respectueux de l’environnement, avec moins de cylindrée, moins d’émission de CO2 et plus de puissance. Des moteurs un peu plus chers à produire que les anciens et qui ont été adoptés de facto par l’automobiliste algérien. Tout cela montre qu’en est en phase avec le marché algérien.
Ceci dit, selon les estimations, l’hybride et l’électrique en Europe représenterait tout juste 15% en 2020. Ce qui signifie que l’ensemble des voitures du marché européen seront encore partagées avec l’Algérie dans dix ans. Cela me fait dire encore une fois qu’il n’ y a pas de vrai risque de fossé entre l’Europe et l’Algérie.
Mais vous conviendrez qu’avec ce qu’a présenté Peugeot à Paris, Peugeot Algérie n’aura que la 508 comme nouveauté pour 2011 !
A propos de la 508, ce sera, comme vous le dites, la nouveauté de Peugeot en 2011. C’est le nouveau vaisseau amiral de la marque, sachant que la production de la 607 s’est arrêtée. Ce qui signifie qu’il s’agira d’un lancement très important. C’est vrai aussi qu’à part de nouveaux moteurs ou de nouvelles versions que nous pourrions recevoir, l’événement 2011 pour nous, ce sera la 508.
Peugeot est en train de mettre de gros moyens en Chine pour faire de ce pays son pôle de développement à l’international et son principal marché dans les années à venir. Cette stratégie peut-elle laisser une petite place pour des marchés comme l’Algérie ?
Oui, la Chine est un enjeu très important pour Peugeot. Les trois pôles de développement de la marque à l’international sont la Chine, le Mercosur et la Russie. Ce qui ne veut pas dire pour autant que dans le reste du monde, il ne se passe rien. Moi je veux voir les choses positivement, dans la mesure où cette plus grande ouverture de notre marque sur l’international fait qu’une grande partie de notre production se fera selon des besoins forcément différents de ceux de l’Europe, et l’Algérie va automatiquement bénéficier d’une démarche qui incitera Peugeot à faire de plus en plus de produits destinés au marché international.
C’est vrai qu’il existe aujourd’hui chez Peugeot une destination majoritairement chinoise, mais l’Algérie, comme l’ensemble du Maghreb, reste un territoire historique pour nous.