Propos recueillis par Lyès Ibalitène
L’année 2011 tire à sa fin avec avec un marché automobile algérien dont les volumes de ventes avoisinent les 300 000 véhicules, soit plus de 50 000 véhicules par rapport à 2010. Les appréciations de cette évolution évoquent souvent une progression fulgurante sans réellement se baser sur les paramètres propres à ce marché. Quelle serait votre analyse, M. Hassaïm, à propos de ce sujet précis ?
Je suis tout à fait d’accord avec votre approche. Il est vrai, et tout aussi logique, que si l’on prend les chiffres de cette année 2011 qui frôlent les 300 000 voitures vendues et qu’on les compare à ceux réalisés l’année dernière, soit 240 000 voitures, on se retrouve face à un scénario de forte progression. Sauf que si on essaye de s’attarder sur une étude statistique fondée sur les cinq ou six dernières années, en prenant en considération les paramètres exogènes au marché qui ont influé sur la courbe normale de ces statistiques, on se rend vite compte qu’il est plutôt question d’une croissance modérée.
En d’autres termes, le marché était en baisse en 2010, et c’est durant cette année 2011 qu’il a repris. Or, lorsqu’il y a baisse, la croissance qui vient après paraît naturellement très forte si la comparaison n’inclut pas l’ensemble des paramètres de statistiques nécessaires.
Laissez-moi vous rappeler qu’entre 2004 et 2008, la croissance annuelle était de 20%, et même plus forte en 2008, grâce au crédit automobile qui était alors très développé.
Il est acquis que crédit à la consommation sert à insuffler une dynamique de hausse au marché, et il est tout aussi acquis que sa suppression produit l’effet inverse et pousse à la chute de ce marché. Et c’est ce que nous avons eu à vérifier avec la suppression du crédit automobile qui a vite remis le marché sur sa tendance d’avant 2004 et 2005, c’est-à-dire avant l’arrivée de cette formule de financement.
En fait, la question qui mérite d’être posée est celle de savoir si le marché a atteint une certaine maturité, ou bien s’il va continuer à subir des mutations. C’est, à mon avis, la question la plus intéressante à mettre en évidence.
Il ya également une lecture à faire sur l’évolution des ventes chez Toyota Algérie
Chez Toyota, la chute a été plus forte que celle du marché, et ce pour des raisons qui nous sont propres. Comme vous le savez, nous évoluons dans la zone yen qui devient une monnaie très forte. Le yen s’est raffermi de 28% en l’espace d’une année et demi seulement, et les prix de nos produits ont suivi la même tendance haussière, c’est à dire qu’ils ont eux aussi augmenté de 28%.
Nous avons dû impérativement relever nos prix à plusieurs reprises pour éviter le pire, ce qui a généré un recul de nos ventes en 2009 et 2010. Mais le marché a fini par s’adapter à notre tarification et nos ventes ont repris en 2011 pour afficher une forte croissance de 23% par rapport à 2010. Pour nous, il s’git d’une évolution très importante pour deux raisons principales : d’abord c’est une croissance qui intervient après deux années consécutives de ce que j’appellerai, entre guillemets, une crise interne en référence à la décroissance que nous avions préalablement subie, ensuite, c’est une évolution qui nous permet de nous relancer sur la base d’une stratégie porteuse et axée sur la croissance.
C’est donc cette lecture que je fais de nos résultats. Toyota Algérie est en croissance et c’est bon signe. Nous allons clôturer 2011 avec 27 000 véhicules vendus contre 22 000 en 2010. Pour 2012, nous avons un objectif agressif de 33 000 ventes, soit une croissance de 20%. C’est un challenge qui appartient à l’ensemble de nos équipes. Et nous savons que nous pouvons compter sur ces équipes parce qu’elles ont prouvé qu’elles savaient gérer les crises et qu’elles étaient capables de renouer avec la croissance. Nous sommes donc convaincus que les équipes de Toyota Algérie peuvent faire encore mieux en 2012.
En plus de cette détermination collective qui anime notre entreprise pour l’année prochaine, nous pouvons compter sur les nouveaux produits qui sont venus renforcer notre gamme en cette fin d’année 2011, tels que la nouvelle Yaris, le nouveau Hilux ou encore le Hino 300.
A propos de nouveaux produits, vous avez commencé par introduire la nouvelle Yaris dans le segment des citadines, puis, quelques jours après, le nouveau Hilux. Or, en marge de la présentation du nouveau Hilux, il nous a été aisément clarifié que les objectifs de vente de Toyota Algérie pour 2012 reposent en premier lieu sur les performances attendus de ce pick-up. Un modèle qui conservera donc son statut de locomotive commerciale tout en conservant à Toyota Algérie l’image d’une entreprise aux résultats fortement dépendants des ventes de l’utilitaire…
Il est clair que le Hilux a toujours été la locomotive commerciale de Toyota Algérie. Certes, nous voulions que la Yaris jouisse de ce statut, dans la mesure où nous sommes dans un marché à forte domination de véhicules touristique, avec 75% de parts. C’est donc une branche qui offre de la croissance et vers laquelle il faut aller. Malheureusement, nous n’avons pu le faire selon nos souhaits, et c’est encore une fois le yen qui en est responsable. Je m’explique : avec des prix en hausse, nous nous sommes retrouvés avec une Yaris chère par rapport à ses concurrentes du segment et, du coup, nous avons été stoppés dans notre démarche.
Cela dit, je reste persuadé que pour espérer de la croissance, il faudra développer toute une gamme de véhicules touristiques. On ne peut pas se permettre de compter sur un seul modèle. Certes, c’est bon d’avoir un produit phare, mais il faut bien que d’autres produits le poussent. D’où nos ambitions de voir la Yaris se repositionner en comptant sur d’autres modèles qui viendront progressivement renouveler et renforcer notre gamme touristique. Nous avons un plan pour y arriver. La Yaris commence à reprendre le flambeau, mais elle risque de s’essouffler si elle évolue seule à le faire.
En somme, nous sommes tenus de compter encore avec le Hilux et continuer à carburer avec ce modèle tout en préparant le terrain pour la Yaris dont la dernière génération a entamé convenablement sa carrière en Algérie, avec des stocks qui ont rapidement été consommés. En 2012, nous aurons l’Avanza dont la version restylée sortira en janvier, puis en 2013, notre gamme touristique accueillera l’Aygo et la Verso. C’est ce renforcement qui va nous permettre d’améliorer nos volumes et d’asseoir le nom de Toyota dans le touristique.
On attendait que la Verso fasse son entrée chez vous voici plusieurs mois, et voilà qu’on apprend l’arrivée de l’Avanza, un monospace plus petit et même inconnu en Algérie. Faut-il conclure que Toyota Corporation refuse de s’aventurer en Algérie avec un modèle haut de gamme comme le Verso qui risque d’échouer en termes de ventes ? D’où l’alternative Avanza ?
Il y a une part de vérité dans ce que vous dites. Il est vrai que la Toyota Verso est un véhicule huppé et cher, et que si on l’introduit, on risque de ne pas faire de volumes, d’autant que le marché algérien reste pauvre dans ce segment, avec mois de 1% de part. Introduire la Verso, c’est prendre la décision de dépenser de l’énergie et du temps pour développer ce modèle avec, comme vous le dites,de très forts risques de se limiter à des volumes insignifiants. Nous avons de ce fait convenu avec les Japonais que si nous devons donner de notre temps et de notre énergie tout en restant efficace, nous le ferons pour un monospace comme l’Avanza qui ne sera pas très cher et qui permettra de créer de la croissance dans l’entreprise. Il sera équipé d’une motorisation essence, mais avec des dimensions réduites par rapport au Verso et avec un nouveau design qui n’a rien à voir avec l’actuel.
Nous avons toujours su que les remises étaient un terme tabou chez Toyota. Or, cette année, nous avons eu droit à plusieurs campagnes qui mettent en exergue des révisions de tarifs à la baisse chez Toyota Algérie. Et lorsqu’on est client, on parle naturellement de remises. Qu’en est-il réellement?
Ce sont des repositionnements de prix et non des remises. Chez Toyota, on ne fait pas de remises, dans le souci de construire une image autour de valeurs beaucoup plus importantes que cela, de sorte à tisser des relations solides et sincères avec la clientèle.
Nous avons travaillé longtemps cette image. Nous sommes convaincus que les remises ne sont pas la chose la plus importante qu’on puisse offrir à un client. Certes, une remise attire, mais la valeur devrait attirer plus. On a travaillé longtemps sur l’image de nos véhicules, et notre but consiste à faire de sorte que lorsque le client achète un véhicule Toyota, il achète de la valeur ajoutée qui se décline en qualité, en fiabilité et en durée. Cette valeur, c’est aussi tout ce qui accompagne le client et tout ce qu’on peut lui garantir en matière de service après-vente et de pièce de rechange.
Cela servirait à quoi par exemple d’accorder des remises lorsque je n’ai pas de service après-ventes digne de ce nom. Cela pourrait même ressembler à de la triche dans certains cas.
Lorsqu’on rentre dans le cycle de la discount, on risque de créer de faux espoirs parce que je décide de réduire ma démarche à s’adresser à des clients qui privilégient le prix au détriment de la valeur ajoutée. Chez Toyota, on s’adresse à des clients qui cherchent de la valeur sûre. Cette année, nous avons opté pour des repositionnements qui n’ont rien à avoir avec les remises. Une remise a une durée de vie limitée dans le temps, mais un repositionnement s’opère pour redémarrer de plus belle, et c’est que nous visons à travers notre démarche.
Introduit avec l’avant dernière génération du Hilux en 2008, le D4D a gagné du terrain pour être généralisé à l’ensemble de la gamme que vous commercialisez. Peut-on conclure que cette motorisation est totalement acquise et qu’elle fait partie des mœurs de Toyota Algérie ?
Effectivement, le D4D est acquis totalement pour Toyota Algerie. Sauf nouvelle génération de moteurs qui seraient installés sur nos véhicules et qui nécessiteraient de nouveaux tests, je vous confirme que le D4D est totalement entré dans les mœurs de Toyota Algérie.
En tant que membre de l’Association des concessionnaires automobile, que pouvez-vous nous dire sur la situation qui prévaut actuellement au sein de cette structure ?
L’Association, dont je suis le premier vice-président, continue à activer et à remplir sa mission. L’Automobile en Algérie n’est plus un secteur petit mais un secteur qui apporte beaucoup à l’économie algérienne. Nous importons, nous créons de l’emploi, nous générons des revenus internes, nous générons des taxes pour le Trésor public, donc nous sommes tenus de progresser et d’aller encore de l’avant au niveau de l’AC2A par la mise en place d’autres chantiers qui consisteront à mieux présenter le concessionnaire au consommateur d’abord et à nos partenaires au niveau des autorités ensuite. Nous sommes acteurs économique en Algérie et il est nécessaire de soigner davantage cette image.